Temperature: 15°C | Humidity: 28% | Pressure: 1009hPa (Steady) | Conditions: Clear | Wind Direction: NNW | Wind Speed: 22km/hJe n’arrive pas à y croire : la semaine dernière nous étions encore en été, je n’imaginais pas que j’allais si rapidement me mettre à grelotter. Pat va devoir s’habituer à vivre avec les portes-fenêtres fermées.

Pour lui faire oublier la sensation d’être incarcéré, je lui fais défiler sur l’écran les photos que BBL nous a expédiées. On découvre son quartier, un lotissement situé dans un endroit boisé de chênes, parcouru de rues bien asphaltées bordées de trottoirs bien propres – nulles poubelles éventrées, débordantes ou renversées -, le long desquelles s’alignent de petites maisons bien blanches surmontées de toits ardoisés à forte pente. BBL habite maintenant loin de la zone sinistrée que représente la région de Montmerdier.

Pat me demande si, nous aussi, nous émigrerons, un jour. Il veut savoir quand est-ce que nous fuirons le tiers-monde pour rejoindre BBL, et prendre, ensemble, la clef des champs. Pat ne comprend pas que, lui et moi, soyons considérés par les voisins comme deux possibles gredins, repoussés aux marges de la Bonne Société, accusés d’être irrigués d'un sang impur, coupables d’êtres porteurs d’un ADN étrange qui s’apparenterait à celui de la horde des Junkies disparus. Mais Pat est encore un peu trop jeune pour vraiment prendre conscience de tout ça. Il sait seulement qu’un jour, BBL, lui et moi, fatigués d’avoir trop souvent croisé sur notre chemin la race des citoyens civilisés, nous finirons par nous évader. J’ai rassuré Pat en lui disant que nous irons vivre dans un pays où le plus proche voisin sera à des années-lumière de l’endroit où nous habiterons, un pays où même l’eau chaude n’aura toujours pas été inventée, une contrée fertile où il ne viendrait jamais à l’esprit de personne d’élaguer une haie ou bien de répandre du compost - avec ou sans agrumes - dans la nature. J’ai décrit à Pat un univers sans média pour colporter des fadaises et des insanités. J’ai parlé d’un paradis sans voisins, sans bricoleurs, sans sportifs et sans touristes. A l’évocation de cette terre promise, Pat s’est lové sur la couette entre deux oreillers. Il m’a dit que je pouvais laisser les portes-fenêtres fermées.